Comment Lisbonne m’a rendu mes mots

Le problème avec un blog, c’est que si on veut espérer qu’il soit lu, il faut l’alimenter régulièrement, de préférence intelligemment. La chose demande du temps, de la patience, de la régularité – autant de choses dont on peut manquer dans le rythme de la vie quotidienne. Mais il faut dire aussi qu’en ce qui me concerne, c’est presque une bonne nouvelle …

Tu ne l’as sans doute pas remarqué (ou peut-être que si), je n’ai rien écrit ici depuis un moment. Et ça n’est pas tant pour avoir manqué de sujets : d’expositions en émerveillements, de balades en découvertes, Lisbonne continue de me ravir chaque jour un peu plus. Cette ville est source inépuisable d’inspiration, et l’aventure monoparentale ne manque toujours pas de piquant. J’ai une multitude de choses à te raconter … tant que je pourrais m’y perdre.

Nous avons entamé l’aventure il y a bientôt 3 mois : autant de découvertes, d’adaptations, de rencontres si particulières pourraient nourrir ces pages. Si …

Si Lisbonne ne m’avait pas rendu une chose, plus précieuse que toutes celles que j’envisageais : mes mots.

Je ne te l’ai pas dit, j’ai une passion pour les mots. Rien ne me nourrit plus que ça : les langues sont mon fuel, parvenir à maîtriser les secrets d’une grammaire, arriver à ajuster suffisamment ma pensée pour l’exprimer dans une syntaxe, avoir assez de confiance pour trouver le vocabulaire qui colle à ce que mon cerveau tente de transmettre … c’est une drogue. La mienne. On pourrait me priver d’un nombre de choses incalculable, tant que je garde la capacité d’exprimer par l’écrit.

Et c’est une des choses que je ne parvenais pas à faire à Paris, justement. La ville qui m’avait tant donné, qui avait nourri mon énergie pendant 15 ans, m’avait tout repris. J’avais des pensées d’écriture obsédantes en tête – je ne pensais plus qu’à ça. Mais je ne parvenais pas à écrire. Rien ne sortait, ou si peu que c’en était sans intérêt. Bien sur, je pouvais construire une phrase, mais écrire vraiment … c’était fini, depuis 2015.

Nul besoin de revenir sur cette année maudite à Paris, chacun.e sait de quoi il est question. Pour les raisons que tout le monde connait et quelques autres qui me sont particulières, les mots ne sortaient plus, j’étais sèche d’écriture alors que j’avais tant de douleur à écrire, tant de blessures à transformer.

Ce flux d’écriture, il aura fallu l’énergie de Lisbonne pour le ressusciter – et c’est la raison pour laquelle je manque de régularité ici : je passe mes journées, entières, à écrire. Avec un peu de chance, un jour, le roman que je tente de construire sera prêt (donne moi un peu de temps !).

L’écriture, la vraie, celle qu’on conçoit comme un travail, demande de la rigueur, de la concentration. C’est une activité plus exigeante qu’aucune autre que j’ai pu connaître, peut-être semblable au sport de haut niveau (si tu es sportif, je te laisse confirmer ou infirmer !). Chaque jour, des heures durant, il faut s’y atteler. Résister à la page qui ne se remplit jamais assez vite, à la forme qu’on ne trouve jamais assez talentueuse, au fond qu’on juge toujours insuffisant. Se confronter à son juge interne, qui ne manque pas de rappeler l’opinion pas toujours brillante qu’on a de soi (je cite, pour la blague … « nan mais tu t’prends pour un Goncourt ou bien ?! », dixit ma petite voix ! Non, je n’ambitionne pas un Goncourt … juste un bouquin lisible !)

C’est aussi une activité qui demande une énergie particulière, que je ne trouvais plus à Paris. La ville avait fini par me phagocyter. Métro, boulot, devoirs, diner, lessive, dodo (épuisée !). Les militaires en armes, les CRS, la tension permanente, la sensation de guetter la prochaine agression à laquelle il faudrait répondre, la pauvreté qui s’étalait sous mes yeux impuissants, les réfugiés que je ne pouvais pas sauver parce que trop nombreux, l’idée que la société française perdait tout ce sur quoi elle avait réussi à se construire … Paris m’épuisait, les mots ne pouvaient plus venir à moi.

Cette énergie, Lisbonne est entrain de me la rendre.

Est-ce l’océan qui me donne sa lumière si particulière ? Est-ce le temps que prennent les gens pour faire, agir et vivre ? Est-ce la température qui se rafraîchit mais ne me refroidit jamais vraiment ? Sont-ce les azulejos qui me baignent de leurs géographies ? Les jardins dans lesquels on peut respirer, partout ? Cette culture, à la fois profonde et humble ?

Sans doute un mélange du tout. Ici, lorsqu’on entend une sirène, c’est une ambulance. La police dit bonjour en souriant, sans avoir rien d’autre à demander (et majoritairement, on voit les agents gérer la circulation des engins de travaux). En plein centre d’une capitale bouillonnante, on n’entend que rarement un klaxon pester. On me demande d’où je viens (mon accent ne faisant aucun mystère) en souriant, l’étranger.e n’est pas un.e intrus.e : il suffit qu’il.elle essaie de parler quelques mots de portugais et qu’il.elle conserve un peu de candeur sur ce qui ne lui est pas familier, il.elle sera accueillie.

Ici, les mots reviennent, chaque jour un peu plus … et il me reste à savoir les partager avec toi !

Dis-moi ce qui te nourrit, là où tu as choisi d’être !

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